Les jardins...

Le jardin était organisé de façon singulière avec un on ne savait quoi d'exotisme et de raffinement. Les arbustes étaint soigneusement taillés mais ne semblaient pas bridés dans leur feuillage, et l'eau coulait d'un petit rû vers un bassin à travers un système de réservoir en bois qu'Orion n'avait encore jamais vu. L'eau s'écoulait sur le tronc évidé et installé en porte-à-faux et celui-ci basculait dans le bassin vers une pierre plate, entrainé par le poids de l'eau puis remontait vide, attendant son prochain voyage.
Dans l'eau si pure que par ce clair de lune, elle pouvait en voir le fond rempli de graviers, nageaient de gros poissons rouge-orangé. Ce paysage et la nuit calme la remplissait d'une douce langueur. Et le bruit de l'eau s'écoulant et du bois sur la pierre avait quelque chose de rythmique et d'apaisant.

Elle apperçut des cerisiers s'élevant le long d'une allée. Leurs branches s'élevaient autour du troncs et se ramifiaent en une multitude de petits doigts.
- Cette allée doit ressembler à un tapis rose et attirer par son parfum lorsque les cerisiers sont en floraison!

Alors qu'elle arrivait au bout de l'allée, Orion vit les rosiers débordant de vitalité qui dressaient fièrement leurs boutons vers le ciel comme un feu d'artifice. Il y en avait de toutes les couleurs de la rouge carmin à la blanche vertueuse. Mais, celle qui se dégageait le plus était la rose crème. La fleur était généreuse, odorante. Les pétales fermes et la tige bien droite et couverte d'épines aigües à intervalles réguliers semblait dire: "Holà! Pour mériter cette fleur il va vous falloir m'apprivoiser!"
C'était définitivement son rosier préféré et Orion sourit en regardant le bouquet offert par Cyberlady, parmi lesquelles se détachaient fièrement les Crèmes. Sa marraine devait avoir pressenti ce choix pour lui avoir offert celles-là.

Puis elle franchit la grille du Domaine et prit le chemin de l'Auberge du Bout du Monde se reposer quelques heures avant de reprendre la route au petit matin. La nuit était claire et pourtant lorsqu'elle se retourna, le Domaine semblait comme enveloppé dans le brouillard dans un nuage de coton.
- Comme dans un rêve! s'exclama t-elle.

A la pointe du jour, Demonia sortit de la grande deumeure se dirigeant vers le jardin ou chonos l'attendait.

Sa nuit dans les bras d'Axel ne fut que plaisir et bonheur, mais elle savait qu'elle n'etait pas du même rang que lui, et que cette histoire etait sans lendemain.

Elle etait comme la jeune Manon juste une femme d'un soir.

C'est aprés avoir déposé un dernier baiser sur ses lèvres qu'elle sortit de la chambre en courant.

Il ne fallait pas qu'il se reveille, pas qu'il la voit ni qu'il la retienne, il fallait qu'elle parte vite trés vite........

Valnor n'avait pu assister et participer à l'ensemble de la soirée, car il avait du partir régler des problèmes. Malgré tout il était revenu tard dans la nuit et comme le lui avait proposé messire Bruce et Dame Cyberlady une chambre lui était réservé à l'étage des invités.

Comme à son habitude et malgré les quelques heures de sommeil qu'il avait pu glâner, il se leva à l'aurore. Il décida de profiter des jardins du domaine et se promener tranquillement au petit matin.

Il n'avait pas oser déranger Dame Elaine pour lui annoncer son retour et s'excuser de l'avoir laisser seule pendant la soirée. Il en était honteux, mais il n'avait pas eu le choix. Malgré tout, il était persuadé que Dame Cyberlady avait du dire à Elaine qu'il était venu mais avait du s'absenter malgré sa volonté. Il ne se faisait pas non plus de soucis, connaissant la dame, elle avait du retrouver quelques connaissances et passer une agréable soirée.

Il marcha le long du cours d'eau bordant le jardin, profitant du chant des oiseaux et de l'eau courante.

Soudain, une idée lui vint. Il regarda à droite et à gauche et s'apercut qu'il y avait là moulte variétés de fleurs toutes aussi belles les unes que les autres.

Comme un enfant qui va commettre un larcin, il eut un moment d'hésitation: "Bon, ca ne se fait pas normalement, mais Dame Cyberlady ne m'en voudra pas....Enfin j'espère... "

Alors Valnor tira sa dague et commenca à choisir les fleurs qu'il désirait afin de confectionner un bouquet pour Dame Elaine pour se faire pardonner de son absence. De temps à autre il relevait la tête pour scruter si personne n'arrivait.

Elaine respirait l'air pur d'une matinée qui s'annonçait radieuse.
Elle avait fort bien dormi dans la chambre d'amis du château de Dame Cyberlady et Messire Bruce. Beaucoup mieux qu'en l'auberge où son esprit se s'était vraiment reposé, même si Messire Valnor avait récupéré les doubles des clés de sa chambre et si elle le savait toujours prêt à intervenir en cas de souci.
Dieu sait que l'on ne pouvait pas souvent avoir confiance en les aubergistes ou leurs accolytes, d'autant plus en tant que femme.

Grâce à ses hôtes et à leurs invités, elle avait passé une délicieuse soirée. Pourtant l'absence de Messire Valnor l'avait teintée d'une légère amertume. Même si elle essayait de se raisonner, insidieusement la présence de ce gentilhomme lui devenait nécessaire.

"Ma Belle, se dit-elle, tu n'as jamais eu besoin de qui que ce soit, cela ne va pas changer ce jour d'hui. Il est vrai que Messire Valnor est un galant seigneur et un plaisant compagnon. Et puis, fort bel homme, ce qui ne gâche rien."

Elle pouffa intérieurement comme une enfant.

"Ressaisis-toi, voyons !"

Elle essaya de reprendre un visage sérieux mais un sourire angélique le marquait toujours.

"Un très bon compagnon de voyage, donc ! ... Un très bon ami aussi ...
Un homme agréable ... Oui, mais un homme différent ...
Un homme sérieux ! ... Il est si séduisant ...
Un ... Bon ! Il suffit ! Je me sens bien avec lui, il faut que je le rejoigne. Il m'a trop manqué hier soir ! Je n'ai pas fait autant de lieues dans cette maudite calèche, sur ces chemins boueux, pour maintenant l'ignorer ... à cause de cette satanée bienséance !"

Elle se mit à dévaler les marches du perron en direction des jardins puis à courir au milieu des massifs de fleurs en riant. Elle regretta l'absence de Luna. Son flair l'aurait aidée à retrouver plus rapidement Messire Valnor.
L'air embaumait des diverses senteurs de fleurs. Ce jardin ne ressemblait pas exactement à ceux qu'elle avait l'habitude de voir dans les demeures. D'une beauté rigoureuse et tranquille, tout en restant naturelle. Mais elle n'avait pas le temps de s'attarder à la contempler. Elle était pressée, pressée de rejoindre Messire Valnor, de lui parler, d'entendre sa voix, de sentir son regard sur elle.

"Messire Valnor, mon Chevalier, vous ne vous cacherez pas longtemps de moi !"

Soudain, il lui apparut de dos, penché sur un massif. Alors, elle ralentit le pas et tout doucement s'approcha de lui par derrière. Il cueillait des fleurs. Certainement pour Dame Cyberlady ! Quand elle fut assez près, elle lui cacha les yeux avec ses mains et lui dit doucement à l'oreille.

"Devinez qui vous surprend en plein larcin, Monseigneur ?"

Elaine était heureuse du tour qu'elle venait de jouer à Valnor, heureuse de la surprise du gentilhomme, heureuse de le revoir, tout simplement heureuse.

Elle l'observa malicieusement. Mais où était le Valnor si sérieux, si inébranlable, si assuré qu'elle connaissait ? Elle n'avait devant elle qu'un enfant coupable, embarrassé, vulnérable. Mais un enfant beau et troublant à la fois.
Le soleil imprégnait ses longs cheveux noirs de reflets auburn. Son teint hâlé révélait sa vie aventureuse. Ses yeux ténébreux brillaient de l'éclat translucide d'obsidienne.
Elaine frissonna quand cet éclat transperça son regard pour pénétrer au coeur de son âme, pour communiquer avec ses pensées. Elle le sentit envahir sa chair, chauffer son sang. Il lui brouilla l'esprit, il oppressa sa poitrine, il affaiblit son corps. L'espace d'un instant, elle se vit menacée, prisonnière de cet éclat. Heureusement la voix de Valnor la sortit de cet état de vulnérabilité qu'elle fuyait irrémédiablement, elle l'indépendante.

"Vous m’avez beaucoup manqué, Ma Dame, et je tenais à vous offrir cet humble bouquet cueilli à la rosée du matin, pour vous montrer ô combien vous m’êtes précieuse… "

Le sourire moqueur avait fait place à la panique, puis à l'inquiétude et à l'incompréhension, et son visage s'était refermé. Quelques secondes seulement, juste le temps pour Elaine d'analyser les paroles de Valnor et de les accepter.
Gravement, elle lui dit :

"Vous êtes le premier homme à m'offrir des fleurs, Monseigneur."

Elle plongea à son tour son regard vert dans celui de Valnor plus pour s'ouvrir à lui que pour connaître le fond véritable de ses pensées. Mais elle se ravisa. En avait-elle envie ? N'était-il pas trop tôt ? D'ailleurs, en aurait-elle un jour le courage ?
Le sourire revint très vite ainsi que le naturel. Elle se saisit du bouquet en riant et fit une révérence.

"Mille mercis, mon Chevalier. Vous me gâter trop. Cela mérite un doux baiser car vous me faites débuter cette journée sous les meilleurs auspices. Ainsi, je vous pardonne votre absence."

Telle une enfant malicieuse, elle cligna des yeux et se mit sur la pointe des pieds. Elle s'accrocha d'une main au bras de son compagnon, sans lâcher son précieux bouquet de l'autre, et l'embrassa naturellement sur la joue comme elle avait l'habitude de le faire.
C'est alors qu'elle eut un besoin irrépressible de prolonger ce baiser, pour s'imprégner de la chaleur de Valnor, de l'odeur de Valnor, de la peau de Valnor. Elle ferma les yeux et laissa ses sens vagabonder comme le courant d'une rivière dans les sinuosités d'une vallée. Son baiser contournait la barbe, longeait l'arête du nez pour monter vers les courbes des yeux , traversait la plaine du front, se perdait dans la forêt des cheveux ébènes, redescendait sur les tempes pour à nouveau glisser sur la colline de la joue afin de découvrir les lèvres, gardiennes d'un antre qui ne demandait qu'à s'ouvrir.
Quelques secondes, cela ne demandait que quelques secondes ! Mais elle ne s'autorisa pas ce voyage qu'elle sentait irréversible.

Elle plongea alors son visage dans le bouquet pour unir le parfum de son galant à la senteur des fleurs, mais surtout pour cacher le trouble qui l'avait encore une fois saisie. Et c'est alors qu'elle aperçut la rose rouge. Elle la sortit, l'embrassa en regardant fixement Valnor puis la lui tendit.

"Je suis votre Dame à jamais, mon tendre Chevalier", lui chuchota-t-elle.

Et comme une enfant, elle tourna sur elle-même en riant, et rajouta :

"Votre bras, mon doux Sire. Profitons de cette belle matinée pour nous promener ensemble dans ce curieux jardin, rien que nous deux. J'ai beaucoup à vous dire, mais surtout quelques questions qui me soucient."

C'est l'automne! Regardez donc ces feuilles muticolores tomber....

Et cette cascade!

Valnor faisait face à Dame Elaine. Son regard vert plongé dans le sien. Comme suspendus dans le temps, ils n'échangèrent ni mot, ni geste. Rien que le silence et cette communion du regard. Pénétrant et si véritable. Le silence berca ce moment. Sous l'émotion et les sens en émoi, Valnor sentit ses tempes battrent au rythme d'un coeur emballé par un doux trouble.

"Vous êtes le premier homme à m'offrir des fleurs, Monseigneur."

La voix d'Elaine sortit Valnor de sa léthargie. L'instant de recouvrer ses esprits, il fut ravit et à la fois étonné de la réplique d'Elaine.

Une aussi charmante jeune femme aurait pu avoir un cortège de soupirants à ses pieds.

"Tant pis pour eux" se dit en souriant intérieurement Valnor.

Il s'inclina doucement pour rendre la révérence que Dame Elaine lui fit.
"...Cela mérite un doux baiser..."

Valnor se sut alors pardonné de son absence et attendit quelque peu nerveux la sanction de la belle châtelaine.
Il laissa s'approcher Elaine, elle était belle. Il sentit les lèvres de la jeune femme sur sa joue, contact doux et si charnel. Son coeur se remit à battre la chamade. Fermant instinctivement les yeux pour profiter du moment, il sentit la main d'Elaine étreindre plus fort son avant-bras, la pression des lèvres de la jeune femme se faisant inperceptiblement plus intense. Un léger mouvement, un très léger mouvement, laisser glisser sa joue pour joindre ses lévres à celles d'Elaine, un rien ne les séparait. Valnor aurait voulu prolonger ce moment, et il imprima une légère pression de sa joue sur les lèvres d'Elaine afin de profiter jusqu'au dernier instant de son parfum, de son contact, de sa proximité...

Il ouvrit doucement les yeux.
Elaine tenait alors la rose, pièce principale de son bouquet. Elle y déposa un baiser et la tendit à Valnor.
Il la prit doucement, et y déposa à son tour un doux baiser sans quitter Elaine des yeux.

"Merci Ma Dame, ce geste me va droit au coeur !
Si cette rose pouvait être eternelle, je la garderai près de moi à jamais,
Malheureusement, je vais devoir vous en offrir bien d'autres afin de conserver votre doux baiser"

"...Votre Dame à jamais, mon tendre Chevalier..."

Cette dernière phrase se ficha droit dans le coeur de Valnor déjà mis à mal par tant d'émotion.

"...Votre Dame à jamais.."

Il voulut lui répondre : "Et moi votre chevalier à jamais..." mais il ne parvint pas articuler mot, l'émotion provoquée par la déclaration d'Elaine l'ayant désarmé...

Il tendit son bras à Elaine et se laissa guider, encore ému et heureux de ce qu'il venait d'entendre. Il regarda le ciel bleu, sourit....
Une si belle journée....

Tout n'était que quiétude et harmonie dans ce curieux jardin que parcouraient Elaine et Valnor. Ils se taisaient pour profiter au mieux de ce lieu propice à la réflexion et empreint de symbolisme. Ils marchaient lentement pour admirer la beauté du paysage. L'intimité du lieu les rapprochait inconsciemment l'un de l'autre.

Le but recherché semblait être d'imiter au maximum la nature en cachant tout l'aspect de l'entretien par la main de l'homme. Jamais encore ils n'avaient pu contempler pareille merveille : un jardin d'ombre composé de végétaux persistants et caducs, de roches de granit et de petits ruisseaux. L'eau y était présente partout.

Peu de fleurs dans ce jardin, mais beaucoup d'arbres : de magnifiques cerisiers de petite taille, des orangers et des citronniers, des érables et des pins généralement taillés en candélabre, ce qui leur donnait un aspect vieilli et enchanteur.

Aux détours des sentiers, ils purent découvrir des paysages où se succèdaient des collections de pivoines, de rhododendrons, d'azalées de tailles et de coloris divers, de glycines, de magnolias, de pommetiers et de nombreuses autres plantes vivaces.

Des bambous au feuillage généralement vert clair et dense servaient soit de massifs soit de haies, ainsi qu'une grande diversité de fougères ou de petits buissons tel le houx.

Soudain un étang et sa petite cascade. Voilà d'où provenaient tous les petits ruisseaux.
Tout autour, ce n'était qu'iris, miscanthus, roseaux, laîches d'où une impression marécageuse du milieu naturel.
Elaine arrêta Valnor d'une pression sur le bras.
Lui intimant discrètement le silence en plaçant son doigt sur la bouche, elle lui montra au loin un grand héron en train d'effectuer sa toilette matinale.
Ils restèrent un long moment à le contempler jusqu'à ce que celui-ci prenne son envolée. Elaine se mit à rire et obligea Valnor à suivre une plage de galets pour s'approcher de la mare.
Alors ils purent admirer, cachées à l'ombre des lotus et des grandes feuilles de nénuphars, le mouvement lent de curieuses carpes rouges et blanches et le reflet du soleil sur des pierres multicolores posées dans l'eau comme de minuscules îlots.

"Quel curieux jardin, murmura Elaine. Sa beauté simple et raffinée est d'une intensité exceptionnelle. Il me semble propice à la méditation. Continuons ! J'aperçois une partie bien plus ombragrée par là-bas. Qu'allons-nous y découvrir ? ajouta-t-elle en plissant ses yeux réjouis. Vous me protègerez, n'est-ce pas, mon Chevalier, si quelques bêtes furieuses viennent à nous attaquer ?"

Elle se raccrocha un peu plus intensément au bras de Valnor, toute excitée par la curiosité.

Après avoir emprunté un pont de bois en arc de cercle, ils pénétrèrent dans une pinède composée de grands arbres et d'autres plus petits, de fougères, de mousses, d'azalées, de bambous qui contribuaient à une atmosphère feutrée et qui formaient un écran permettant au regard de ne pas être perturbé par des éléments extérieurs.
Au centre de cette curieuse forêt, se tenait, sur un monticule, une sorte d'autel en pierre recouvert d'un toit. Tout à côté, une fontaine, cuvette aussi en pierre, où l'eau s'écoulait d'une statue métallique représentant un animal inconnu et effrayant. Une petite louche de bambou y était posée comme pour inviter le promeneur à boire.

"La voilà donc notre bête curieuse, aussi curieux que l'esprit de celui qui a conçu ce jardin."

Elaine frisonna. Le bruit de l'eau troublait le calme du jardin. Elle invita Valnor à s'asseoir sur un banc en pierre. S'accrochant toujours à son bras, comme par peur de le perdre, elle resta un long moment à observer la statue. Puis soudain elle brisa le silence.

"Quel horrible monstre dans ce paradis ! En fait, tout n'est qu'opposition en cette demeure. Mon Chevalier, pourrais-je vous demander d'éclairer ma curiosité sur ce lieu et surtout sur nos hôtes. Vous me semblez très proche de Dame Cyberlady, et Messire Bruce a de bien étranges manières. Racontez-moi donc votre histoire, leur histoire, ce qui vous lie à notre châtelaine ; et n'ayez point peur de me rendre jalouse car je le suis déjà !"

Elle rit, mais discrètement et un peu tristement, sans regarder Valnor, en fixant toujours la statue.

La journée était belle, peut-être trop belle pour être réelle ...

Valnor avait depuis longtemps redouté la question que lui posait Dame Elaine. Les sentiments ont ceci de paradoxal et déroutant, qu'ils sont clairs et limpides pour celui qui les éprouve, mais peuvent s'avérer difficiles à expliquer à autrui. Aujourd'hui Valnor, était en paix avec lui, sûr de son soi, de ses pensées. Trouver les mots justes, sans fard ni masque.

Amitié, Amour, deux mots commencant par la même lettre, la même résonnance lorsqu'ils sont vécus pleinement et sans retenue. Seul le coeur faisant l'infime différentiation entre eux, déterminant cette légère dissonance dans cette douce musique sentimentale.

Il prit une longue inspiration, souriant inconscienment accompagnant symboliquement son geste d'un mouvement de tête.

"Vous êtes étonnante et déroutante...Votre question est légitime mais elle appelle une réponse difficile à exprimer... Mais je n'éluderai pas le sujet, vous êtes en droit de savoir.
Dame Cyberlady et moi-même avons fait connaissance, il y a bien longtemps alors que nous habitions tous deux Bergerac. Je revenais d'une longue absence et la ville avait changé de visage, principalement du à la valse incessante de ses habitants. Départs, arrivées avaient considérablement modifié son tissu social. Je revenais donc dans une ville que je ne reconnaissais plus.
Comme à maintes occasions, je décidai d'aller visiter les charmantes tavernes de la ville, tant pour prendre des nouvelles fraîches que pour faire connaissance avec les nouveaux habitants. J'ai choisi l'auberge la plus fréquentée de l'époque et je me suis hasardé à l'intérieur.
Elle était là, charmante tenancière à s'occuper des clients. Sans se poser de question elle m'a adressé la parole, faisant preuve de son coutumier sens de la communication et de son caractère avenant. Nous avons fait connaissance ce soir là, parlant de tout et de rien. Dame Cyberlady a cette faculté d'être appréciée et de dégager un charme naturelle qui fait d'elle une personne dont la compagnie et la discussion étaient recherchées par tous. L'auberge était plus que souvent pleine à craquer dès qu'elle y sévissait, et comme bien d'autre c'est avec plaisir que j'ai commencé à fréquenter ce lieu et à faire plus ample connaissance avec Cyberlady.
Je n'ai pas peur de dire qu'elle m'a fait découvrir des aspects de moi-même que je ne connaissais pas, comme de me faire participer à un concour de peinture lors du festival périgourdin, alors que je tentai au grand désespoir des clients affolés de lui apprendre à tirer à l'arc dans la taverne. Nous avons partagés de bons moments ensembles. Son dynamisme, sa culture et sa conviction m'ont charmés, comment pouvait-il en être autrement? "

Valnor fit une pause, puis reprit.

"Tout allait très bien, la vie avait repris son cour tranquille et paisible. Lorsque l'un de mes amis, le Duc de Gap Estalabou, fit appel à moi. Il me mandait auprès de lui pour des affaires sérieuses en Dauphiné. Un départ pour un si lointain Duché équivalait à un départ définitif de Bergerac. Quelques mois auparavant, je serai partis dans l'heure, sans me posé de questions, mais là quelque chose me retenait, ou plutôt quelqu'un. J'étais tiraillé entre l'appel d'un ami et l'envie de rester. Dur moment de flottement, d'incertitude..des questions fusent à un rythme tellement soutenu, que l'on ne peut y répondre. Ne sachant plus que faire, j'ai proposé à dame Cyberlady de m'accompagner jusqu'en Dauphiné, mais elle devait sous peu récolter les fruits de son labeur pour la communauté sous la forme d'un poste de conseiller comtale. En d'autre circonstance je pense qu'elle serait parti avec moi. Alors j'ai pris la décision de rester à Bergerac, contre toute attente. M'excusant auprès de mon ami compréhensif.
Je savais dès cet instant, qu'une alchimie se mettait en place entre nous. Mais quelle en était la nature, son essence même ?

Etait-ce de l'Amour ?

Lorsque c'est la première fois que vous ressenter de forts sentiments, de l'attirance pour une personne vous le prenez comme tel comme excusé par votre inexpérience en la matière. Vous l'attendez, l'espérez et le recevez comme un fruit du hasard.
Nous avons continuez à nous voir. Et nous sommes devenus plus proche. Je pense sans m'avancer, que nous prenions plaisir à être ensemble, à parler, à échanger nos idées sur tout. Notre proximité s'est mue en intimité, nous étions bien ensemble. Nous et le reste du monde.

Etait-ce de l'Amour ?

La question était toujours en suspens car notre proximité était resté courtoise, sans équivoque. Mais il fallait y répondre, savoir de quoi serait fait notre avenir, commun ou non. Comme dans pareille situation, les événements se sont enchaînés, nous permettant de voir plus clairement dans nos sentiments respectifs, de mieux les comprendre, de les dominer..les maîtriser. C'est Dame Cyberlady qui a découvert la vrai nature de nos relations et la suite à leur donner. Force est de reconnaître, que j'étais comme submergé par mes sentiments, incapable de faire la part des choses. Les dames ont ce sens aigue, qui leur permet de raison garder et que pauvre de nous, les hommes, n'avons pas.

Etait-ce de l'Amour ?

Non, c'était autre chose, quelque chose de semblable, presque identique. De l'Amitié, dans le sens le plus noble du terme. Ce qui explique les liens forts qui nous unissent dame Cyberlady et moi. Elle sait, et je sais que nous pourrons toujours compter l'un sur l'autre. Tout est dit ..."

Valnor regarda alors Elaine dans les yeux.

"Aujourd'hui, tout est différent, limpide. Les sentiments que je ressens ne m'aveuglent pas, me laissent lucide, pourtant ils sont plus forts, plus intenses que jamais. Mon coeur me livre une douce musique, bien différente de celle que j'ai percu autrefois."

Il prit les mains d'Elaine dans les siennes, un léger souffle de la brise souffla entre deux. Valnor approcha sa main du visage de la Dame, remettant en place doucement une mèche de cheveux d'Elaine, effleurant sa joue.

"Je connais la nature des sentiments à votre égard. Je n'ai jamais été aussi sûr de moi.

Est-ce de l'Amour ?

Oui, Ma Dame

Je crois que je vous aime.

Non, je vous aime..."

La nuit précédant son départ, Elaine avait pleuré dans le pelage de sa louve.

Alors, Luna avait parlé.

"Regarde, Elaine ! Regarde, ma Belle !
La lune, notre déesse, éclaire la Rabatelière. Te souviens-tu de ta jeunesse ? Te souviens-tu de ton insouciance ? Que ta vie fut heureuse à cette époque ! Je te le dis, elle va l'être à nouveau. Le bonheur est fait pour toi. Mais il faut y croire, il faut que tu oublies.

Ne pleure plus, Elaine ! Ne pleure plus, ma Belle !
Ecoute ! Ecoute Luna, ta louve, ton amie pour toujours.

Mais de quoi as-tu peur ? Que l'amitié devienne amour ?
Sache que la très grande amitié et l'amour ont une frontière si infime qu'elle ne demande qu'à disparaître.
Aristote nous l'a dit : "l’amitié est vertu et non passion. Il y a dans l’amitié de l’amour, mais l’amour considéré dans son essence n’est pas l’amitié".

Alors que crains-tu ? L'amour ?
Beaucoup d'amour réside dans ton coeur et tu ne peux vivre sans.
La Bible nous l'a enseigné : "l'amour ne fait point de mal au prochain : l'amour est donc l'accomplissement de la loi".

Ecoute Aristote, écoute la Bible !

Tu te demandes si tu peux l'aimer. Cela ne doit pas se demander, tu dois le sentir.
Le premier effet de l'amour c'est d'inspirer un grand respect. Tu le respectes plus que tout.
L’amour est aussi la joie du don et de la présence. Tu aimes lui plaire et tu ne peux être loin de lui.
Quand un homme est délicat dans son esprit, il l'est aussi en amour. Tu apprécies sa finesse et sa prévenance.

Les yeux sont les interprètes du coeur. Et que vois-tu dans son regard ?
L'AMOUR !

Tu as beau te le cacher, tu l'aimes déjà.

Ouvre ton coeur, Elaine ! Ouvre ton coeur, ma Belle !
Ne pleure plus, Elaine ! Ne pleure plus, ma Belle !"

Et Luna se mit à hurler à la lune.
Et Elaine l'entendit murmurer :

"L'Amour est un enfant aussi vieux que le monde,
Il est le plus petit et le plus grand des dieux,
De ses feux il remplit le ciel, la terre et l'onde,
Et toutefois Iris le loge dans ses yeux" ...

Elaine avait écouté Valnor sans cesser de fixer la statue.

Alors la statue avait parlé :

"A quoi sert la lumière du soleil, si tu as les yeux fermés.
Qui triomphe de lui-même possède la force.
Deux choses servent au bonheur : croire et aimer.
Tu n'as pas besoin de parler.
Aime-le comme si tu n'avais jamais souffert".

Elaine se tourna vers Valnor et son regard émeraude éblouit le Chevalier de sa lumière. Elle sut à cet instant qu'elle pouvait entreprendre son voyage sans retour.
De son index elle contourna la barbe, longea l'arête du nez pour monter vers les courbes des yeux, traversa la plaine du front, se perdit dans la forêt des cheveux ébènes, redescendit sur les tempes pour à nouveau glisser sur la colline de la joue afin de découvrir les lèvres, gardiennes d'un antre qui ne demandait qu'à s'ouvrir.
Elle en caressa lentement le contour pour apprivoiser totalement cette bouche, puis ces lèvres tant désirées. Elles étaient douces et chaudes à la fois, légèrement humides aussi.
Elaine ferma un instant les yeux pour mieux les apprécier, pour deviner quelle offrande se cachait dans la grotte mystérieuse. Elle était grande déesse et cette bouche son temple.
Un souffle d'air tiède ! Les prêtresses, confiantes, l'autorisaient enfin à découvrir le présent.
Imperceptiblement son corps s'était approché de cet homme qui l'espérait. Insensiblement son coeur s'était ouvert à son amour. Irrémédiablement ses lèvres se posèrent sur les siennes et en prirent possession à tout jamais.

Alors, ce fut l'éblouissement, le don du ciel, la révélation !

Elaine devint céleste et conduisit Valnor en son paradis terrestre.